Lynda Lemay un paradis quelque part - RFI - Stephanie Secqueville- 11/03/2005

LYNDA LEMAY
Un paradis quelque part

Paris, le 11/03/2005 - A 38 ans, la pétillante chanteuse québécoise revient sur la scène musicale avec Un Paradis quelque part. Plus noir que les précédents, ce huitième album de seize chansons, brasse les thèmes douloureux de la mort, la vieillesse ou encore les souffrances de l'amour. Si certains titres apportent une touche d'humour et d'optimisme, le disque demeure à dominante mélancolique.


  
Véritable star au Québec depuis les années quatre-vingt-dix, Lynda Lemay a su conquérir le coeur du public français. En 1996, Serge Lama la choisit pour sa première partie puis c'est au tour de Charles Aznavour de tomber sous le charme musical de la chanteuse pour devenir son parrain artistique. Bénéficiant d'un formidable bouche à oreille, elle s'est progressivement imposée dans le paysage musical de l'Hexagone. Aujourd'hui, ils sont nombreux à saluer le talent de l'auteur- interprète qui a bâti sa renommée sur des chansons à texte, un style poétique d'une infinie simplicité et la diversité des thèmes abordés.

Un opus sombre

Lynda est connue pour son éclectisme. Elle écrit aussi bien sur les enfants battus que sur un vieux garçon un tantinet benêt ou les nuisances du ronflement. Bien qu'Un paradis quelque part ne fasse pas l'impasse sur la légèreté et le rire, la tonalité dramatique l'emporte. Les thèmes de la vieillesse et la mort reviennent dans plusieurs titres de l'album. Ainsi dans On te ramasse, la fille pose son regard sur les "lambeaux" de son père, qu'elle redoute de retrouver un jour, "parti en voyage, gris comme un nuage". Puis Le vieillard et la jeune écervelée, décrit ce vieil homme désabusé, répugnant physiquement, qui "pollue la jeunesse" d'une belle enfant en profitant de sa candeur. ("S'il ose aller s'échouer de toute sa peau rêche, sa gueule mal rasée contre sa peau de pêche")

 
 
Lynda reprend également le titre Paul Emile a des fleurs , magnifique chanson sur le désespoir d'une fille face à la maladie de sa mère, réclamant le droit à l'euthanasie. (Lâchez lui donc les veines, c'est pas votre mère à vous.) Elle décrit avec un réalisme percutant la déchéance physique, la dégradation du corps inhérente à la vieillesse. La chanteuse pousse le tragique à l'extrême en abordant dans deux titres le terrible sujet de la mort d'un enfant. Le thème de la maternité est récurrent chez l'artiste qui nous avait habitués à des chansons joviales comme La marmaille ou L'odeur du bébé. Ici la maternité est assassinée, meurtrie dans sa chair : Je t'ai pas entendu est une complainte poignante ("J'avais déjà gonflé mon corps pour ta petite bouche à nourrir, moi j'étais sûre que t'étais bien, que t'avais pas envie de partir") et Les canards, la confession d'une mère rongée par la culpabilité, qui n'a pu sauver sa fille de la noyade. Dans cette dernière, le contraste entre la scène bucolique, les canards et leurs petits barbotant dans le lac, et le tragique de la situation, la noyade de l'enfant, est saisissant ("Sûrement que les canards ont mérité la chance, de lui dire au revoir en lui offrant une danse"). Lynda nous bouleverse encore.

Et quand elle parle d'amour, c'est toujours sous l'angle de la souffrance. Elle chante tour à tour celle qui n'est pas prise au sérieux, celle qui attend depuis toujours l'élu imaginaire de son cour, ou encore l'amoureuse éperdue qui a l'"âme en chiffon" et qui se déguise "en bonheur un peu gros".  Qu'est- ce qu'on va devenir mon homme ? chanson sur un couple assistant à la mort de son amour, est une des plus belles de l'album ("On s'était imaginé que peut-être avec le temps, nos deux mains se seraient usées, se seraient fondues et pourtant. ")

 

Un souffle de légèreté

Pour contrebalancer cette gravité, Lynda Lemay fait appel à l'humour et l'optimisme dans plusieurs titres de l'album. Et c'est avec un comique déconcertant qu'elle s'attaque à ses phobies et angoisses. Ainsi dans Monsieur Marchand, elle nous confesse, avec son irrésistible accent, son aversion pour le dentiste, ("J'ai la langue couverte de brins de scie, vlà la bonne qui s'amène avec l'aspirateur"). Dans Le mal de l'air, elle relate un voyage en avion, assise à côté d'un jeune cadre dynamique assommant ("Fallait que je tombe sur un sociable !") La piste cachée de l'album J'ai trente-huit ans, sur la peur de vieillir à l'approche de la quarantaine, est emplie d'autodérision. Enfin quand elle imagine un paradis quelque part, titre-phare de l'album, elle décrit un îlot de sérénité éloigné des malheurs de la vie, "un monde à l'abri du monde" où elle emmènerait l'être aimé. Ce texte optimiste est servi par une interprétation enflammée de la chanteuse.

Entre ballades romantiques et titres pop rock, Lynda Lemay innove musicalement. Tout en préservant la tradition du songwritting, elle s'essaie à de nouveaux rythmes musicaux. On découvre  un duo mythique,  Les torchons, avec Kevin Parent, chanteur incontournable au Québec, et deux chansons  Est-ce que tu me prends au sérieux ?, et Je te trompe, composées et accompagnées par Erick Mongrain, jeune prodige de la guitare acoustique. Coréalisé par le pianiste Louis Bernier et le guitariste Sébastien Dufour, compagnons de route de Lynda, cet opus surprenant, laisse présager un beau succès.

Lynda Lemay Un paradis quelque part (Wea) 2005

En concert au Casino de Paris du 7 au 12 juin 2005 & en tournée à travers la France

Stéphanie Secqueville

Source : RFI