Le samedi 15 novembre 2003

Les Secrets des oiseaux 

Les secrets de Lynda Lemay

Valérie Lessard

Le Droit

Le plus fort, c'est son père, Alphonse. Tout le monde le sait, Lynda Lemay nous l'a déjà chanté. Mais lorsqu'elle a failli le perdre, à cause d'importants problèmes cardiaques, l'auteure-compositrice-interprète de 37 ans l'a supplié : "Ne t'en vas pas", lui a-t-elle écrit, dans un véritable cri du coeur. "Et il m'a prouvé une fois de plus qu'il était le plus fort, puisque deux mois après son opération, il était en ski nautique !" s'exclame l'artiste.

"J'ai isolé mon moment de colère, mon refus de voir mon père mourir. La peur et le désarroi m'ont fait écrire. C'est sûr que c'est un texte très personnel, mais je sais aussi qu'il touche tous ceux qui ont vécu cette peur de perdre un proche et ceux qui n'ont pas eu la même chance que moi, renchérit Lynda Lemay. Parce que je sais que je suis chanceuse que mon père m'ait répondu en restant parmi nous..."
La chanteuse québécoise ne restera quant à elle plus très longtemps parmi nous, au Québec, elle qui s'apprête à repartir en tournée en France, là où elles s'était arrêtée, à pareille date, l'an dernier. C'est qu'en lançant, simultanément là-bas et ici, son nouvel album, Les Secrets des oiseaux, cette semaine, elle mettait fin à ce qui devait être une année sabbatique. Une année qui l'a pourtant vu remporter le Victoire d'interprète féminine de l'année dans l'Hexagone, en février, travailler sur un projet de grand spectacle musical, Un éternel hiver, qui devrait être présenté à la fin de 2004, et concocter, avec son complice, le pianiste Louis Bernier, ce cédé, en plus de monter un nouveau spectacle. "Je me suis rapidement ennuyée", admet celle qui a bien dû se rendre compte qu'elle n'était pas du genre à rester longtemps assise à ne rien faire.
Par ses mots, tantôt durs, tantôt crus, tantôt tendres, tantôt drôles, l'auteure-compositrice-interprète continue de vouloir "briser les silences en chantant des choses dont on parle peu sur scène et qui peuvent parfois susciter les discussions et la réflexion" ou, encore, de raconter ces petits riens qui sont notre lot quotidien. Les Secrets des oiseaux demeure donc, à ce chapitre, fidèle à ce à quoi Lynda Lemay a habitué son public au fil du temps. Tout comme la facture, avec le duo piano-voix, mais avec quelques élans de guitares plus électriques sur J'aime pas les femmes, entre autres.
Ne t'en vas pas, écrite pour son père, fait partie des textes plus tendres du nouvel album. Mais ce dernier renferme aussi des chansons plus cyniques, comme Les Épouses, où elle n'hésite pas à décrire ces femmes "qui, de moins en moins belles/Virent jalouses et n'inspirent/Qu'un désir mensuel". "C'est mon extrême besoin de lucidité qui me dicte de tels mots, pour me débarrasser de mes peurs, souligne Lynda Lemay. Je ne voudrais tellement pas mal vieillir et devenir un boulet. Et, en même temps, je dois reconnaître que je ne suis pas à l'abri." Elle se moque aussi de ces chanteuses qui postillonnent sur leur public (Le Chameau, sur un air jazzé), chante les multiples odeurs d'un nourrisson (Ça sent les bébés), décoche quelques "jabs" à ces psys qui abusent du malheur des gens (Le Diplômé) et fait des rapprochements pour le moins surprenants entre une prostituée, une ambulance et le système de santé (Faut faire du bien). Mais elle est particulièrement fière de la première pièce de l'album, l'intéressante De tes rêves à mes rêves, qu'elle voulait comme un petit film, changeant d'orchestrations "comme Meat-Loaf savait si bien le faire", pour accentuer les modulations d'émotions.