Le dimanche 06 mars 2005

Rencontre

Lynda la prolifique

Émilie Côté

collaboration spéciale, La Presse

Lynda Lemay n'a plus besoin de présentation. Mais on peut facilement être confus quand il est question de sa carrière et de ses projets. Se trouve-t-elle au Québec, en France? Est-elle en tournée, prépare-t-elle un nouvel album? Un peu de tout ça en même temps.

Ce n'est plus un secret pour personne, l'auteure-compositrice-interprète a le syndrome de la page pleine. Alors que l'« opéra folk » qu'elle a écrit et mis en scène vient à peine d'être lancé en France, elle faisait la semaine dernière une visite éclair au Québec pour lancer son huitième album, Un paradis quelque part, qui trône déjà au sommet du palmarès français des ventes.

Un disque qui s'intitulait au départ Imprévu, car la mère (et l'artiste) ne l'avait pas vu venir. « Il s'est fait comme ça », explique Lynda Lemay, dont la plume prolifique a de quoi faire rager les compositeurs se rongeant les ongles derrière leur guitare et une feuille blanche. « Et quand un projet est prêt, je suis incapable de le refouler. »

Pour elle, « décrocher » semble rimer avec « composer des chansons ». Un paradis quelque part est né l'été dernier après deux semaines « de repos » passées au chalet, soit moins d'un an après la sortie de son septième disque, Les Secrets des oiseaux. « J'avais décidé de décrocher, car cela faisait longtemps que je n'avais pas eu de temps à moi, de solitude, explique-t-elle. J'étais seule dans ma bulle, je pouvais me concentrer, et j'ai joué de la guitare à avoir des ampoules sur les doigts. »



Des chansons écrites auparavant se sont ajoutées à celles composées durant « ses vacances ». Une copine l'a, par exemple, suppliée d'enregistrer la pièce Les Torchons, qui dormait sur une cassette. « Comme c'est elle qui m'avait convaincue de terminer Le plus fort c'est mon père, je pouvais lui faire confiance! »

L'automne dernier, un autre « imprévu » a fait en sorte que Lynda Lemay a enregistré cette chanson en duo. Écoutant Michel Chale jouer de l'orgue B3 au Bistro à Jojo, elle apprend que c'est la soirée de l'ADISQ juste en face, au théâtre Saint-Denis. Se pointant à la fête suivant le gala, elle jase tout bonnement avec Kevin Parent. Puis vient l'idée d'une collaboration... Lynda lui dit: « Ben viens-t'en, je suis en studio. » Quelques jours plus tard, c'était chose faite.

Dans ce duo où le texte déforme des proverbes et des expressions populaires- Mes frères se battent quand ils sont chauds / La guerre éclate en mille morceaux-, il est question d'une famille dysfonctionnelle et d'alcoolisme, mais avec un ton bon enfant dans l'interprétation.

Au « front » des choses

Quand elle aborde des thèmes plus noirs, Lynda Lemay n'a rien perdu de son style à la fois intime et coup de poing. Dans J't'ai pas entendu, elle relate une fausse couche. J'avais déjà gonflé mes seins pour ta petite bouche à nourrir / Moi j'étais sûre que t'étais bien, qu't'avais pas envie de partir. Elle parle également d'euthanasie dans Paul-Émile a des fleurs et de la noyade d'un bambin dans Les Canards.

Pour reprendre le titre de son cinquième album et une expression bien à elle, le « coq-à-l'âme » est néanmoins encore bien présent dans Un paradis quelque part: sur une note humoristique, elle raconte une visite chez le dentiste dans Monsieur Marchand, la peur de l'avion dans Mal de l'air, alors qu'elle interpelle l'être cher dans Qu'est-ce qu'on va devenir mon homme et Où étais-tu.

Parfois, Lynda Lemay est seule à la guitare, sobrement accompagnée au piano, alors que des arrangements plus pop et accrocheurs mènent, entre autres, à la chanson-titre, Un paradis quelque part. « Des mélodies qui donnent des respirations à un album qui aurait pu être lourd dans certains thèmes », explique Lynda Lemay.

« C'est un album qui boucle la boucle. Il marque l'évolution de ma musique depuis mes débuts », dit-elle. Mais dans les faits, il semble que l'artiste de 38 ans- qui a vendu plus de trois millions d'albums en carrière- ne pourra jamais « boucler la boucle » tant elle est productive. Il faudrait qu'elle se dédouble pour lancer, promouvoir et faire les tournées de l'ensemble de ses réalisations. La preuve, un DVD live est prêt, mais pas lancé, faute de temps pour la promo. Un album double se trame, Chanter comme au début, qui comprendra des chansons écrites depuis l'aube de sa carrière qui n'ont jamais été révélées au public. Un projet de disque avec le guitariste Érik Mongrain est aussi dans l'air...

Mais avant de concrétiser tout ça, l'artiste féminine de 2003 aux Victoires de la musique poursuivra la tournée hexagonale de son opéra Un éternel hiver. Elle prévoit prendre des vacances durant l'été, histoire d'être en forme pour la tournée québécoise prévue à l'automne.

Lynda Lemay, qui gère sa propre carrière, concède avoir surestimé ses disponibilités ces derniers mois. À l'heure actuelle, elle se repose durant deux semaines de l'autre côté de l'Atlantique, en « touriste » avec sa fille, Jessie. Mais si elle traîne une guitare dans ses valises, qui sait, peut-être pourrait-on voir surgir un autre album « imprévu »...